Thomas Robinet (Châteauroux), Conor Hourihane (Sheffield United), Giorgio Chiellini (Juventus)… Peu importe les divisions ou les pays dans lesquels évoluent les footballeurs, tous ont succombé à l’appel des pointillés des chaussettes de performance TRUsox.
Pour footpack, Jim Cherneski, son inventeur, est revenu sur le succès de son produit, mais aussi sur sa rencontre avec Victor Moses, premier joueur à étrenner sa chaussette, et son projet crampons qui vient de voir le jour : la TRUtenaci. Rencontre.
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Jérôme Boateng et Jim Cherneski, le fondateur de TRU
Avant 2008, les footballeurs coupaient leurs chaussettes et/ou portaient des chaussettes de tennis dans leur crampons. Cela a-t-il inspiré TRUsox ? Quelle était l’idée originale derrière la naissance du projet TRUsox ?
Le projet TRUsox est né d’une certaine frustration qui date d’il y a longtemps. J’ai 47 ans, et je me souviens déjà qu’en 1991, je détestais le mouvement à l’intérieur de mes Copa Mundial. Pour éviter les glissements, nous devions porter des chaussures extrêmement serrées. J’ai donc essayé de trouver différentes solutions. Par exemple, j’ai toujours coupé mes chaussettes de match pour jouer avec des chaussettes en coton. Les chaussettes de match étaient souvent fabriquées en nylon ou en synthétique, des matériaux très glissant contrairement au coton. Ce dernier s’accroche un peu mieux à votre peau, mais n’élimine toujours pas le problème. J’ai cherché une solution quand je jouais et que j’entrainais aux États-Unis. Et au final, cette solution s’appelle TRUsox.
Victor Moses a été l’un des premiers footballeurs à en porter en 2012, comment cette relation est née avec lui ?
J’étais manager de Crystal Palace Baltimore, un club affilié à Crystal Palace, club de Victor Moses à l’époque. Je faisais souvent des voyages à Londres pour des matchs. Il participait à des rencontres de pré-saison et d’après-saison avec nous. J’avais donc ses coordonnées et j’ai pu lui fournir les chaussettes de performance. Il m’a envoyé un message en disant qu’il les adorait. Mon objectif était d’avoir de la visibilité médiatique, d’où la Premier League.
Au début, il n’y avait pas de rectangle sur le dos des chaussettes. D’où vient cette idée ?
J’allais dans les magasins de football en Amérique et je disais aux vendeurs qu’ils devaient vendre mes chaussettes. Je leur racontais, “regardez, j’ai des gars en Premier League qui en portent”. Ils me répondaient, “comment le savez-vous ?”. Et je leur montrais une image qui affichait un peu la technologie de la chaussette. J’ai donc demandé à l’usine avec qui je travaillais si on pouvait faire en sorte que la technologie de la chaussette soit à l’arrière pour qu’on puisse reconnaitre plus facilement la marque. C’est ainsi que le logo est apparu.
« Je prenais des vols pour l’Angleterre avec des sacs remplis de 200-300 paires de chaussettes »
La Coupe du monde 2014 reste un moment important dans l’histoire TRU et de la chaussette de performance. Dans quelle mesure le Mondial a été décisif pour l’avenir de cet accessoire ?
La Coupe du monde 2014 a été importante pour nous. Des articles ont commencé à sortir dans toutes les langues du monde. Des médias néerlandais, mexicains, brésiliens, anglais ont en parlé car les joueurs de leur équipe nationale portaient nos chaussettes de performance. Par exemple, Chicharito, qui jouait à Manchester United, en portait. À son retour au Mexique, toute l’équipe nationale mexicaine l’a suivi. En 2013, il y a aussi eu un article du Daily Mail intitulé : Gareth Bale Secret weapon (L’arme secrète de Gareth Bale). Grâce à cet article, nos ventes ont explosé.
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Depuis 2015, le marché a explosé en Premier League avec Raheem Sterling, Luis Suarez, Olivier Giroud etc… Comment expliquer cette évolution rapide au sein du monde professionnel ?
Je prenais des vols pour l’Angleterre avec des sacs remplis de 200-300 paires de chaussettes. Là-bas, je louais une voiture et je faisais le tour des stades. Grâce à Crystal Palace, j’ai obtenu beaucoup de contacts, je les ai donc utilisé. Newcastle, Tottenham, Everton… Je rencontrais des joueurs et je le leur donnais les chaussettes. Et ils l’ont rapidement adopté.
Les joueurs sont-ils sous-contrat avec vous ?
Pour les chaussettes, non. Mais maintenant que nous créons une gamme complète de produits, nous allons pouvoir traiter avec des joueurs. Je suis vraiment excité à l’idée de parler à beaucoup de footballeurs.
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En 2016, les premiers concurrents ont réagi comme Nike avec la Nike Grip. Avant cela, avez-vous été approché par ces marques pour qu’elles rachètent les brevets ou établissent un lien ?
J’ai commencé à être approché par les plus grandes marques en 2014. Puis en 2015, j’ai reçu des offres de rachat.
« Si nous donnons nos produits à dix joueurs, neuf d’entre eux resteront avec eux. »
En 2018, lors de la Coupe du Monde, la FIFA sanctionne les joueurs de l’équipe d’Angleterre à cause de la visibilité des chaussettes. Comment avez-vous réagi à cela ? Est-ce que ça a changé quelque chose dans votre approche ?
Je pense que nous avons perturbé l’industrie du foot. Nous arrivions tout juste et nous demandions aux joueurs de porter un produit dans lequel ils n’avaient aucun intérêt financier. Les équipementiers se sont appuyés sur la FIFA, puis sur les pays, les clubs et tout le monde pour dire, “vous ne pouvez pas porter ça”. Cela ne nous a pas arrêté. Nous leur avons dit qu’on ne devrait pas empêcher les joueurs de porter des produits qui les aident parce que les grandes entreprises n’ont pas d’intérêt financier là-dedans.
Dans l’une de nos études sur les équipements des footballeurs de Ligue 1, nous remarquons que plus de 75% des d’entre eux jouent avec des chaussettes coupées. Pourtant, ils ne sont que 20% à évoluer avec des chaussettes de performance. Coupent-ils leurs chaussettes pour les performances ou pour le style ?
Comme je l’ai dit, les chaussettes en coton sont meilleures que les chaussettes des clubs car elles glissent moins dans la chaussure. Donc, si les joueurs n’ont pas de vraies chaussettes de performance, c’est parce qu’ils n’en ont pas où qu’ils ne les connaissent pas. Si nous donnons nos produits à dix joueurs, neuf d’entre eux resteront avec eux.
La production est-elle suffisante pour tous les joueurs ?
Nous fabriquons des centaines de milliers de chaussettes par an mais ce n’est toujours pas suffisant pour satisfaire la demande. Nous sommes toujours à court. Les clubs nous demandent des chaussettes, et nous ne sommes pas en mesure d’en livrer autant qu’ils en demandent. Les nombreuses demandes entrainent du retard. C’est frustrant. Des joueurs ne peuvent pas mettre la main sur ces chaussettes, c’est fou.
À combien estimez-vous la part de marché de votre accessoire dans le monde des chaussettes de performance aujourd’hui ?
Nous ne sommes pas trop obsédés par cela parce que nos revenus augmentent, augmentent et augmentent. L’utilisation des chaussettes de performance ne cesse de croitre dans le monde. Nos revenus augmentent de manière significative sur notre site web grâce aux consommateurs. Je n’ai vraiment aucune idée quant à la répartition réelle des part de marchés, car il y a beaucoup de flux de trésorerie dans l’entreprise. Nos chaussettes coûtent dix fois plus cher à fabriquer que les chaussettes d’un autre groupe, car nous utilisons un matériau incroyablement couteux à l’intérieur et à l’extérieur du produit. Nous dépensons énormément d’argent pour fabriquer le produit. Et c’est aussi l’un des défis que nous avons rencontrés.
« Notre ambition est de devenir un acteur majeur dans les crampons »
Aujourd’hui, TRUsox est la référence sur le marché des chaussettes de performance, quel est l’avenir de cet accessoire ? Comment améliorez-vous le produit ?
J’imagine que si vous m’aviez posé cette question en 2011 ou 2012, je dirais que je ne les vois pas s’améliorer parce qu’elles ne peuvent pas être meilleures. Mais maintenant, nous travaillons sur de nouvelles versions comme sur la TRUsox 3.0. La première génération de chaussette a très bien fonctionné, mais les pièces sont devenues très dures pour le lavage. C’était à cause du produit de collage que nous utilisions. Nous avons trouvé une solution de collage plus douce et plus souple.
En 2020, vous avez dévoilé la TRUtenaci. La volonté de concevoir une chaussure de football était-elle déjà présente au début de l’histoire de TRU ?
Quand nous avons commencé, je ne pensais pas aux chaussures. Je me souviens avoir dit à l’un des investisseurs de TRUsox, “vous savez quoi ? Nous avons vraiment besoin de faire des chaussures”. Et il était un peu comme moi.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour créer la TRUtenaci ?
Le processus de création a duré plus de deux ans et demi. Si vous ajoutez à les mauvaises idées, ça fait plus de quatre ans et demi de développement.
Le marché est dominé Nike, Adidas et Puma. Quelle est l’ambition de la TRUtenaci ?
Notre ambition est de devenir un acteur majeur dans les crampons. Nous croyons que nous avons un énorme avantage concurrentiel sur les autres équipementiers. Ils conçoivent leurs produits dans un bureau et nous nous concevons nos produits sur le terrain. Nos designers sont tous des joueurs professionnels, par opposition à un artiste qui ne joue pas. Ce n’est pas parce que vous rendez une chaussure belle qu’elle fonctionne bien. Nous pensons que nous pouvons faire les deux parce que nous avons aussi de bons artistes. Les grandes entreprises actuelles n’essaient que de satisfaire deux choses, le chiffre d’affaires et le bénéfice net. Ce n’est pas pour cela que nous faisons ce métier. Je n’ai pas créé TRUsox pour l’une ou l’autre de ces deux choses. J’ai lancé TRUsox pour résoudre un problème. Ce problème a été résolu, ça me donne envie d’aller plus loin.
« Beaucoup de joueurs sont actuellement en train de tester la TRUtenaci »
Nous avons vu Gareth Bale en porter avant l’Euro ainsi que certains joueurs de Ligue 1. Quels sont les premiers retours des footballeurs ?
Nous avons reçu de très bons commentaires. Parfois, même si les retours sont excellents, les discussions bloquent. Par exemple, pour le joueur que vous avez cité, la chaussure était pour lui la plus confortable qu’il n’a jamais portée, mais nous ne pouvons pas nous permettre de donner des garanties financières.
Quel type de joueurs visez-vous ?
Nous nous concentrons beaucoup sur les jeunes joueurs, les footballeurs qui deviendront les prochains grands noms. Et nous commençons déjà à y voir un bon impact. Et vous le verrez quand vous regarderez des matchs. Nous avons déjà des joueurs en Liga, en Serie A, en Ligue 1 et en Bundesliga. En Espagne, nous avons des footballeurs non pas en première mais en seconde division. Beaucoup de joueurs sont actuellement en train de tester la TRUtenaci et à n’en pas douter vous allez en voir bientôt sur les terrains. Nous sommes une petite entreprise, mais nous avons d’excellents produits. Les joueurs qui décident de venir avec nous peuvent participer à cette croissance.
Peut-on s’attendre à ce qu’un grand joueur porte la TRUtenaci ?
Cela pourrait être la dernière pièce du puzzle oui. Pour l’instant, nous n’avons pas de méga noms aux États-Unis mais je pense que cela pourrait changer assez vite. J’entends par là que le monde du football change assez rapidement, comme quand nous sommes entrés dans ce domaine en 2011 où il y avait très peu de joueurs qui portaient des chaussettes TRUsox. Je pense donc que les joueurs avec qui nous parlons maintenant pourraient être les prochains grands noms qui en porteront.
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Propos recueillis par Victor Simon et Pierre-Alain Perennou
1 commentaire
David
Publié le 17 octobre 2021 à 17 h 51 min
Un superbe article qui est complémentaire à la démo vidéo de Victor réalisée de façon moderne et avec une expertise au top (comme d’hab) ! Merci !